Le dos ensellé ou lordose équine se caractérise par un grand creux qui se forme dans la colonne vertébrale du cheval. Elle mène souvent à un garrot proéminent et à une chaîne dorsale très affaissée.

Le dos ensellé est plus fréquent chez les chevaux âgés et les poulinières qui ont porté plusieurs gros poulains. La lordose peut également se produire chez les animaux plus jeunes qui ont une prédisposition génétique. [1]

La lordose équine est le résultat d’une défaillance des ligaments de soutien qui se trouvent le long du dos. Lorsque les ligaments sont affaiblis, étirés ou compromis, la colonne vertébrale peut s’affaisser.

Malgré son apparence choquante, la lordose équine signifie rarement qu’on doive cesser de monter le cheval. Avec une bonne prise en charge, ces animaux peuvent rester sains et sans douleur tout au long de leur carrière de cheval de selle. [3]

Les chevaux dont le dos est ensellé ont besoin d’un conditionnement adapté qui vise à renforcer les muscles du dos. De plus, on doit accorder une attention particulière à l’ajustement de la selle.

L’anatomie de la lordose équine

La lordose équine est une déviation ventrale de la colonne vertébrale qui se creuse vers le bas. Elle se caractérise par une défaillance des structures de soutien qui se trouvent le long du rachis thoracique et lombaire.

Les structures qui supportent les os de la colonne vertébrale sont constituées de tissus mous, notamment des muscles et des ligaments.

Les muscles et les ligaments le long de la colonne vertébrale maintiennent les vertèbres suspendues entre les membres antérieurs et postérieurs.

Ces muscles et ces ligaments font penser aux câbles d’un pont suspendu. Si les câbles du pont suspendu se rompent, la plate-forme s’affaisse. Chez les chevaux, les vertèbres correspondent à la plate-forme. [4]

Les ligaments qui supportent la colonne vertébrale

La lordose est une défaillance partielle des structures ligamentaires de la colonne vertébrale. Les ligaments qui supportent la colonne vertébrale forment trois groupes :

  • le ligament nuchal;
  • le ligament supraépineux;
  • les ligaments longitudinaux dorsaux et ventraux.

Des ligaments plus petits, appelés ligaments spinaux courts, assurent le soutien entre chaque vertèbre. Ces ligaments travaillent ensemble pour éviter que la colonne vertébrale s’affaisse et se creuse. [5]

Le ligament nuchal

Le ligament nuchal prend naissance sur la protubérance occipitale externe, un point osseux situé à l’arrière du crâne. Il se prolonge le long de l’encolure et s’attache dans le ligament supraépineux.

Ce ligament supporte passivement la tête lorsque le cheval la soulève ou encore l’abaisse pour brouter. [5]

Le ligament nuchal comprend deux parties distinctes : la corde et la lame.

La corde est la structure principale en forme de corde qui longe l’encolure et se fond dans le ligament supraépineux.

La lame a la forme d’une feuille. Elle prend naissance dans la corde et se prolonge des deux côtés de l’encolure. [5]

Le ligament nuchal est unique en ce qu’il contient des fibres élastiques qui s’étirent et se rétractent afin de permettre au cheval de soulever la tête du sol presque sans effort.

Cette adaptation évolutive permet aux chevaux de lever et de baisser la tête sans dépenser d’énergie pour contracter leurs muscles. [5]

Le ligament supraépineux

Le ligament supraépineux est le câble de support principal de la structure en forme de pont suspendu qu’est le dos du cheval. [5] Il soutient la plus grande partie du rachis thoracique.

Ce ligament est un prolongement de la corde du ligament nuchal. Le ligament supraépineux s’attache au garrot et longe le dessus des vertèbres jusqu’à la première vertèbre de la queue.

Le ligament supraépineux est constitué de fibres qui ne sont pas élastiques. Le passage des fibres élastiques du ligament nuchal aux fibres rigides du ligament supraépineux est progressif. [4]

Les chevaux sont de gros animaux dont le contenu abdominal est extrêmement lourd. Le ligament supraépineux doit être épais et robuste pour éviter que le contenu abdominal n’entraîne la colonne vertébrale vers le bas. [4]

Les ligaments longitudinaux dorsaux et ventraux

Les ligaments longitudinaux dorsaux et ventraux soutiennent les deux côtés des disques intervertébraux qui jouent un rôle crucial dans l’ossature et les mécanismes de la colonne vertébrale.

Ces disques sont pris en sandwich entre les vertèbres. Ils permettent à la colonne vertébrale de se mouvoir sans heurts et amortissent les chocs. [4][5]

Les ligaments longitudinaux dorsaux et ventraux renforcent les disques par le dessus et le dessous. Ils empêchent ces derniers de dévier vers le haut ou vers le bas sous la pression.

Grâce à la conception ingénieuse des ligaments longitudinaux, les hernies discales sont rares chez les chevaux. Même chez ceux qui présentent une lordose, l’incidence de hernie discale est faible. [6]

Les ligaments spinaux courts

Les ligaments spinaux courts joignent les vertèbres les unes aux autres. Ils sont comparables aux câbles qui relient les wagons d’un train. Ces ligaments assurent la stabilité des vertèbres et protègent la moelle épinière.

Les ligaments spinaux courts incluent le ligament jaune (ligamentum flavum), les ligaments interépineux et les ligaments intertransversaires.

Le ligament jaune maintient la courbure normale du rachis et fait en sorte que la colonne vertébrale retourne à sa position de départ après la flexion. Comme le ligament nuchal, le ligament jaune est légèrement élastique et son mouvement nécessite peu d’effort musculaire. [4][5]

Les ligaments interépineux et intertransversaires sont pris en sandwich entre les processus épineux et transverses des vertèbres. Les processus sont des protubérances osseuses qui servent de points d’attache aux ligaments et aux muscles.

Les ligaments interépineux et intertransversaires stabilisent ces processus et garantissent qu’ils ne s’écartent jamais trop les uns des autres lors des mouvements. [4][5]

Les ligaments soutiennent passivement la colonne vertébrale, car ils ne requièrent pas d’énergie pour remplir leur fonction.

Des muscles supportent aussi le rachis. Ces muscles sont des structures de soutien actives, car ils ont besoin d’énergie pour accomplir leur travail.

Soutenir les muscles de la chaîne dorsale

Les muscles de la chaîne dorsale ou « ligne du dessus » soutiennent la colonne vertébrale pour empêcher que l’abdomen s’affaisse, en plus de supporter le cavalier.

Les principaux muscles de la chaîne dorsale sont le trapèze thoracique, le muscle grand dorsal (latissimus dorsi), le muscle long dorsal (longissimus dorsi) et le muscle transversaire épineux (multifidus). Les muscles de l’abdomen procurent aussi un soutien, principalement le muscle grand droit (rectus abdominis).

Bien que l’état de la musculature dorsale affecte aussi le confort des chevaux au dos ensellé, la lordose équine se caractérise surtout par une défaillance des ligaments qui supportent la colonne vertébrale.

Un cheval peut avoir un dos faible sans présenter de lordose. Inversement, la lordose peut se développer même avec une bonne musculature dorsale.

Le trapèze thoracique

Le trapèze thoracique est divisé en deux parties : le trapèze thoracique et le trapèze cervical.

Le trapèze thoracique descend derrière le garrot et se trouve sous l’emplacement de la selle. Le trapèze thoracique supporte la partie avant du rachis. Il empêche la colonne vertébrale de crouler sous le poids du cavalier. [7]

Le trapèze cervical empêche le garrot de s’affaisser. Son rôle principal est de déplacer le membre antérieur. Il joue un rôle secondaire dans le soutien de la chaîne dorsale comparativement au trapèze thoracique. [7]

Le muscle grand dorsal (latissimus dorsi)

Le muscle grand dorsal est responsable du mouvement des membres antérieurs et soutient minimalement la partie antérieure du dos. Il agit avec le trapèze pour supporter le garrot. [7]

Le muscle long dorsal (longissimus dorsi)

Le muscle long dorsal joue un rôle primordial dans le maintien de la chaîne dorsale du cheval. Ce muscle couvre l’ensemble du rachis thoracique (le centre) et de la région lombaire (l’extrémité du rachis qui rejoint la croupe).

Il contribue au mouvement du dos et solidifie la colonne vertébrale pour soutenir le contenu abdominal qui se trouve en dessous.

Si le muscle long dorsal est faible, le cheval ne peut pas supporter son propre poids ou le poids d’un cavalier. Les chevaux dont le muscle long dorsal est affaibli développent des dorsalgies et peuvent éventuellement souffrir de conflit des processus épineux (kissing spine). [8]

Le muscle transversaire épineux (multifidus)

Le muscle transversaire épineux comprend de nombreux petits muscles qui s’étendent sur toute la longueur du dos, du garrot à la queue. Ce muscle assure la stabilité de la colonne vertébrale et empêche les mouvements exagérés entre les différentes parties du rachis.

Le muscle transversaire épineux supporte l’abdomen du cheval et empêche le dos de s’affaisser. [9]

Le muscle grand droit (rectus abdominis)

Les grands muscles de l’abdomen aident à soulever le dos, ainsi qu’à supporter le poids du cavalier et du contenu de l’abdomen. [7]

Les implications structurales de la lordose équine

Lorsque les ligaments qui entourent les vertèbres et qui longent le dos sont lâches, la colonne vertébrale et les vertèbres s’affaissent en raison du poids du contenu abdominal.

Le dos ensellé peut paraître choquant. Les chevaux touchés ont un dos extrêmement creux et leur ventre pend de manière anormale. Cet état s’aggrave lorsque l’abdomen porte un poids supplémentaire, par exemple durant la gestation[2]

Malgré son apparence extrême, la lordose ne gêne pas le cheval monté qui éprouve rarement de la douleur sous la selle d’un cavalier. [10] Les chevaux au dos ensellé peuvent avoir une musculature dorsale robuste qui supporte un cavalier malgré leur dos creux.

De nombreux propriétaires sont inquiets de savoir si un cheval au dos ensellé court un risque accru de conflit des processus épineux ou de chevauchement de ces processus.

Les chevaux au dos ensellé ont tendance à avoir un port de tête plus haut qui creuse davantage le dos et rapproche les processus épineux des vertèbres. Cela pourrait constituer un facteur de risque pour le développement de conflit des processus épineux.

Cela dit, aucune étude n’est actuellement disponible qui évalue si les chevaux atteints de lordose sont plus enclins à présenter des conflits des processus épineux que les animaux normaux.

Les causes de la lordose équine

Il existe cinq causes principales de lordose équine : l’hérédité, l’âge, la conformation, la gestation et les contraintes excessives sur le dos subies à un âge précoce.

L’hérédité

La recherche indique que la lordose équine peut être liée à la génétique, notamment chez les chevaux Saddlebred américains[10][13]

Il s’agit alors d’un schéma récessif autosomique. Cela signifie que les deux parents du cheval affecté doivent porter et transmettre une copie du gène de la lordose pour qu’elle se manifeste chez leurs descendants. Le cheval est alors homozygote, c’est-à-dire qu’il possède deux copies du gène.

Une étude a examiné le génome de 40 chevaux de race Saddlebred, dont la moitié avait reçu un diagnostic de lordose et l’autre moitié était normale. [10]

Les chercheurs ont étudié un gène spécifique qui tend à donner lieu à la formation de vertèbres en coin plutôt que carrées. Cette forme rend les vertèbres plus susceptibles de s’affaisser en bloc.

Les tests ont révélé que parmi les 20 chevaux atteints de lordose, 17 avaient le gène de la lordose homozygote. Comparativement, seulement 7 des 20 sujets normaux étaient homozygotes.

Une autre étude a examiné le génome de 13 autres chevaux atteints de lordose et de 166 sujets normaux. Parmi les chevaux touchés, 70 % possédaient une variante génétique spécifique homozygote, 21 % étaient hétérozygotes (ne possédaient qu’une seule copie du gène) et 9 % ne possédaient pas le gène. [10]

Chez les sujets normaux, 15 % étaient homozygotes, 47 % étaient hétérozygotes et 38 % ne possédaient pas la variante génétique spécifique.

Les chercheurs ont conclu qu’il existe un lien génétique fort avec la lordose équine, en particulier chez les chevaux Saddlebred américains. La prévalence estimative de la lordose pour cette race est de 7 %. La prévalence de lordose précoce est de 5 % chez ces chevaux. [13]

L’âge

Les chevaux âgés sont plus susceptibles de développer la lordose équine. À mesure que les chevaux vieillissent, les structures du dos commencent à se relâcher en raison de la gravité.

L’effet de relâchement affaiblit toute l’architecture de la colonne vertébrale, ce qui peut mener à la lordose. [11]

La conformation

Certains chevaux naissent avec une conformation qui les prédispose à cet état. Les chevaux dont le dos est long sont plus enclins à développer la lordose.

Lorsque le dos est excessivement long, les piliers qui soutiennent les épaules et l’arrière-main sont plus éloignés les uns des autres. Le dos est donc plus faible et plus sensible aux forces gravitationnelles. [12]

La gestation

Le port d’un gros fœtus pendant onze mois peut affecter de manière considérable l’ossature et les ligaments du dos des juments. Le problème s’aggrave chez les poulinières qui ont eu plusieurs poulains, ce qui peut dans certains cas mener à une lordose exagérée. [2]

Les contraintes excessives sur le dos des jeunes chevaux

Bien que cette hypothèse n’ait pas fait l’objet de beaucoup de recherche, on pense que le fait de s’assoir sur le dos d’un jeune cheval avant l’âge adulte peut conduire à la lordose.

Les ligaments de la colonne vertébrale mettent du temps à se développer et à devenir assez robustes pour porter un cavalier. La monte trop hâtive pourrait étirer les ligaments et hausser le risque de lordose. [2]

Prendre soin du cheval au dos ensellé

Les meilleurs moyens de prendre soin d’un cheval dont le dos est ensellé sont de veiller à ce que les muscles dorsaux soient suffisamment robustes et d’employer une selle bien ajustée.

On peut habituellement monter les chevaux atteints de lordose, mais ils ont besoin d’une selle adaptée à la forme anormale de leur dos.

Pour garantir que la selle convient bien au cheval concerné et empêcher qu’elle lui cause de la douleur, nous vous conseillons de faire appel à un professionnel spécialisé en ajustement des selles et de lui demander conseil avant d’acheter votre harnachement.

Renforcer la musculature dorsale

Une musculature dorsale forte est importante pour tous les chevaux. C’est encore plus vrai pour le cheval qui présente une lordose afin qu’il ne souffre pas et qu’il puisse porter un cavalier sans abîmer davantage son dos.

Certains exercices renforcent le dos ensellé en ciblant la contraction des muscles du dos et de l’abdomen. On peut intégrer les exercices suivants au programme d’entraînement du cheval :

La descente d’encolure ou l’étirement « bas et rond » : cet exercice consiste à demander au cheval d’abaisser la tête pour étirer les muscles du dos et contracter les muscles abdominaux.

Les transitions : lorsqu’il effectue les transitions correctement, le cheval élève l’avant-main et, de ce fait, allonge et engage toute la chaîne dorsale tout en ramenant l’arrière-main sous lui.

Le franchissement de barres au sol : cet exercice consiste à demander au cheval de franchir des barres au pas et au trot pour l’inciter à soulever le dos, à contracter ses muscles abdominaux et à arrondir sa chaîne dorsale.

Le reculer : cet exercice consiste à demander au cheval de reculer. Ce mouvement l’incite à ramener les postérieurs sous sa masse, à porter son poids sur l’arrière-main, ainsi qu’à mobiliser les muscles de l’abdomen et du dos.

Le travail latéral : les mouvements latéraux comme les cessions à la jambe, le tour sur l’avant-main et le tour sur les hanches mobilisent les adducteurs et les abducteurs du cheval. Ce sont les muscles qui déplacent les membres vers l’extérieur et vers l’intérieur. Ces mouvements invitent aussi le cheval à mobiliser et à détendre son dos tout en portant le cavalier.

Le travail en pente : l’ascension et la descente de plans inclinés engagent l’arrière-main et étirent les muscles du dos. Le cheval doit pousser avec ses postérieurs et les avancer plus loin sous lui en contractant les muscles dorsaux.

Vous pouvez en apprendre davantage sur les moyens de développer la musculature dorsale du cheval ici.

Avec un dos bien musclé et une selle bien ajustée, le cheval au dos ensellé peut profiter d’une carrière de cheval de selle sans éprouver de gêne ou de douleur.

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Références

  1. Cook, D. et al. Genetics of swayback in American Saddlebred horses. Animal Genetics. 2010.
  2. Cauin, E. Assessment of back pain in horses. In Practice. 1997.
  3. Ridgway, K. and Harman, J. Equine Back Rehabilitation. Vet Clinics of NA: Equine Practice. 1999.
  4. Wolschrijn, C. et al. The neck and back. Veterian Key. 2016.
  5. Zaneb, H. et al. Functional anatomy and biomechanics of the equine thoracolumbar spine: a review. Turkish J Vet Anim Sci. 2013.
  6. Jeffcott, L. Back Problems in the look at present and future progress. Equine Vet J. 1979.
  7. Budras, D. et al. Anatomy of the Horse. Schlütersche. 2009
  8. Wakeling, J. et al.Segmental variation in the activity and function of the equine longissimus dorsi muscle during walk and trot. Equine Comp Exer Phys. 2007.
  9. Garcia Lineiro, J. et al. Structural and functional characteristics of the thoracolumbar multifidus muscle in horses. J Anatomy. 2016.
  10. Cook, D. et al.Genetics of swayback in American Saddlebred horses. Animal Genetics. 2010.
  11. Duberstein, K. and Johnson, E.Caring For the Older Horse: Common Problems and Solutions. University of Georgia Extension. 2018.
  12. Jeffcott, L.Disorders of the thoracolumbar spine of the horse — a survey of 443 cases. Equine Vet J. 1980.
  13. Gallagher, P.D. Measurement of back curvature in American Saddlebred horses: structural and genetic basis for early-onset lordosis. J Equine Vet Sci. 2003.