Le lymphœdème chronique progressif (LCP) est une pathologie qui décrit une altération de la circulation lymphatique dans le bas des membres. Le LCP affecte principalement les races de chevaux de trait. Il provoque l’enflure et l’inflammation de la peau des membres touchés. [1]

Le manque de circulation lymphatique fait en sorte que les chevaux atteints de la maladie courent aussi le risque de développer des plaies ainsi que des infections bactériennes et parasitaires secondaires sur les membres.

Le vétérinaire peut normalement diagnostiquer le LCP en procédant à un examen clinique. Il n’existe aucun traitement qui guérit le LCP. En revanche, des stratégies de prise en charge intensives peuvent ralentir la progression de la maladie et améliorer la qualité de vie des chevaux atteints.

La science vétérinaire a reconnu le LCP en 2003. Toutefois, on rapporte des lésions cutanées associées à la maladie depuis le début du 20e siècle. [1]  Les chercheurs pensent qu’une combinaison de facteurs héréditaires et environnementaux est à l’origine du LCP.

Qu’est-ce que le lymphœdème chronique progressif?

Le LCP est une maladie systémique qui touche le système lymphatique. Il se manifeste à cause d’une accumulation de la lymphe dans la partie inférieure des membres des chevaux atteints. [2]

Le LCP est une affection débilitante qui provoque des infections bactériennes et parasitaires récurrentes secondaires dues un manque de drainage lymphatique et à une mauvaise circulation sanguine. [2]

Les infections récurrentes favorisent le développement de plaies cutanées qui peuvent se propager sur les membres jusqu’aux genoux ou aux jarrets. De plus, elles accroissent souvent l’étendue du lymphœdème dans les membres touchés. [2]

Le manque de circulation lymphatique dans les membres des chevaux atteints peut initialement passer inaperçu si les pattes sont garnies de poils longs et épais (les fanons). Les lésions aux tissus causées par le LCP sont progressives. Elles peuvent mener à une boiterie, à une invalidité grave, à des déformations et, potentiellement, au décès prématuré de l’animal. [2]

Le lymphœdème chronique progressif diffère de la dermatophilose chronique des pâturons, une affection qui survient à la suite d’une infection primaire par des micro-organismes.

Le traitement des infections cutanées ne guérit pas le lymphœdème sous-jacent qu’est le LCP.

Le dysfonctionnement du système lymphatique et le LCP

Le rôle du système lymphatique équin est de maintenir l’équilibre hydrique dans les tissus, de soutenir la fonction immunitaire de la peau et d’éliminer les déchets cellulaires.

La lymphe riche en protéines circule dans tout le corps par les vaisseaux et les ganglions lymphatiques.

L’élastine, une protéine de la matrice extracellulaire, est nécessaire pour faire circuler le liquide lymphatique à travers l’organisme. On pense que le métabolisme anormal de l’élastine et l’altération de la qualité de l’élastine dans la peau sont liés au LCP. [2]

Lorsque la circulation lymphatique est compromise, l’apport d’oxygène aux tissus diminue et les déchets métaboliques s’accumulent dans l’organisme. La mauvaise circulation lymphatique, ou stase lymphatique, nuit à la réponse immunitaire de la peau pour combattre les agents pathogènes, en plus de compromettre l’intégrité de la barrière cutanée.

Dans les cas avancés de LCP, la stase lymphatique peut être complète en raison du dysfonctionnement lymphatique, de la dilatation des vaisseaux lymphatiques et de la formation d’un excès de tissu conjonctif fibreux (la fibrose). [2]

La prévalence du LCP

Les chevaux qui développent le LCP ne présentent ordinairement aucun signe apparent de la maladie avant l’âge de deux ans. [2]

Le LCP touche surtout certaines races, notamment les suivantes : [3]

  • les chevaux de trait belges;
  • les chevaux de trait allemands;
  • les chevaux Shire;
  • les chevaux Clydesdale;
  • les chevaux Gypsy Vanner;
  • les cobs anglais;
  • les frisons;
  • les percherons.

Le nombre de chevaux atteints de LCP est inconnu. Toutefois, une étude réalisée sur 161 chevaux de trait belges a révélé que 82 % des sujets souffraient de LCP[4]

Une autre étude menée sur 912 chevaux appartenant à six races de trait allemandes différentes, lesquels étaient âgés de plus de deux ans et demi, a établi la prévalence du LCP entre 47,5 et 96,1 %[4]

Les symptômes du LCP

La gravité du LCP est corrélée à la gravité du retard de drainage lymphatique. [1]  Les premiers signes du LCP incluent ceux qui suivent :

  • l’œdème au bas des membres;
  • l’œdème qui prend le godet.

Les signes de LCP avancé incluent les suivants :

  • l’œdème ferme des membres;
  • les plis de peau qui résultent de l’œdème et des lésions aux tissus;
  • les plaies (ulcères);
  • la fibrose qui mène à l’apparition de nodules;
  • les sabots qui poussent peu ou lentement;
  • la pourriture de la fourchette;
  • la desquamation cutanée;
  • le bourgeon charnu;
  • l’écoulement d’exsudat (pus) dû à une prolifération bactérienne secondaire dans les crevasses entre les plis cutanés;
  • la déformation des membres inférieurs;
  • les plis cutanés sur l’encolure et le torse;
  • des difficultés à se mouvoir causées par la formation des nodules et de plis cutanés sur les membres.

Les infections secondaires

Les chevaux atteints de LCP sont sujets aux infections récurrentes suivantes en raison du manque de circulation lymphatique qui perturbe le fonctionnement normal de la barrière cutanée.

Les infections bactériennes:

Des bactéries, y compris différentes espèces de Staphylococcus et de Dermatophilus congolensis, peuvent être responsables des infections cutanées chez les chevaux qui souffrent de LCP. [2]  Les fanons fournis piègent l’humidité et les bactéries qui propagent l’infection.

Les infections parasitaires:

Chorioptes bovis, un acarien cutané à l’origine de la gale chorioptique ou gale des pattes, infecte fréquemment les chevaux atteints de LCP. [2]

Les chevaux qui souffrent de LCP et dont les membres sont garnis de fanons ont tendance à synthétiser un surplus de kératine (hyperkératose) dans la peau. [1]  Cet épaississement anormal de la couche externe de l’épiderme est accompagné de la formation de croûtes cutanées dont se nourrissent les acariens.

Les acariens sont un déclencheur du LCP, car ils peuvent causer des cicatrices, en plus d’endommager la peau et les vaisseaux lymphatiques superficiels.

Les causes du LCP

La cause du LCP est toujours inconnue. On croit néanmoins qu’une combinaison des facteurs décrits plus bas est impliquée dans le développement de la maladie.

Les anomalies biologiques

Une élastine de qualité moindre ou médiocre:

Formant un réseau tridimensionnel dans la peau, l’élastine enrobe les vaisseaux lymphatiques. Elle agit comme une éponge élastique pour faciliter le transport de la lymphe dans tout l’organisme.

La quantité ou la qualité de l’élastine dans la peau des chevaux atteints de LCP est anormale, ce qui entraîne une altération de l’absorption et du drainage lymphatique des tissus.

Une étude a comparé des échantillons de peau de chevaux atteints de LCP à ceux de sujets sains. Les résultats ont montré que les chevaux malades avaient des quantités accrues d’élastine dermique dans le bas des membres et l’encolure. Par comparaison, les quantités étaient moindres chez les chevaux sains qui appartenaient à l’une des races susceptibles de contracter la maladie. [5]

Les chercheurs ont remarqué des anticorps dirigés contre l’élastine dans le sérum sanguin de chevaux qui souffrent de LCP. [6]

Bien que la quantité d’élastine dermique augmente dans la peau de l’encolure et des membres des chevaux atteints de LCP, la structure architecturale de cette élastine est moins organisée que celle des chevaux sains.

Les scientifiques ont émis l’hypothèse que l’organisme fabrique de l’élastine neuve pour compenser le manque de soutien élastique de l’élastine d’origine.

Une desmosine anormale:

La desmosine est un acide aminé qui réticule les fibres d’élastine. Chez les chevaux qui souffrent de LCP, il y a moins de desmosine dans la peau de l’encolure et du bas des membres. En revanche, les chercheurs ont constaté que le taux de desmosine augmente lorsque des lésions se forment. [2]

L’influence génétique

La recherche n’a trouvé aucun marqueur ou mutation génétique spécifique chez les chevaux atteints de LCP, bien que certaines parties des séquences d’ADN étudiées pourraient être liées à la maladie. [7]

On pense que l’hérédité joue un rôle dans le développement du LCP chez certaines races de chevaux lourds. L’incidence élevée parmi ces races suggère une prédisposition héréditaire à la maladie.

On sait que le LCP se manifeste chez les chevaux de trait belges à la suite d’un élevage sélectif continu qui vise à engendrer une progéniture avec des fanons fournis et des membres plus robustes. [2]

Une étude menée sur 28 chevaux frisons a révélé que les animaux affectés avaient des jambes beaucoup plus longues. Cette observation suggère qu’un phénotype génétique pourrait être associé au développement du LCP. [1]

Les déclencheurs environnementaux

Les conditions environnementales dans lesquelles vivent les chevaux atteints de LCP influent sur la progression de la pathologie. [2]   On pense que les milieux sablonneux et boueux stimulent le développement de plaies, contrairement aux surfaces en caoutchouc propres. [2]

Les lésions apparaissent plus fréquemment chez les chevaux utilisés pour la reproduction et la production alimentaire, comparativement aux animaux destinés au travail ou à l’équitation. [1]

Le diagnostic

Le diagnostic vétérinaire du LCP est habituellement fondé sur la présentation clinique et la prise en compte de la prédisposition de la race. Il implique un examen physique et des tests de diagnostic.

Les premiers stades de la maladie sont souvent évidents en palpant la partie inférieure des membres. On doit normalement raser les fanons pour identifier les lésions.

Les vétérinaires ont recours plus rarement aux tests suivants pour poser un diagnostic de LCP :

La lymphoscintigraphie:

La lymphoscintigraphie est une technologie d’imagerie. Elle est utile pour distinguer le lymphœdème des autres causes d’œdème au bas des membres. [1]  Cette technologie peut détecter l’altération du drainage lymphatique en identifiant les vaisseaux lymphatiques qui sont dilatés et déformés.

La biopsie cutanée:

La biopsie permet de détecter les lésions des vaisseaux lymphatiques qui sont dilatés et les modifications au réseau sous-jacent de fibres d’élastine de la peau. Cependant, la perte d’élastine peut se limiter aux tissus profonds et ne pas être visible dans une biopsie cutanée ordinaire. [1]

La méthode ELISA:

Les scientifiques ont développé ce test pour faciliter le diagnostic du LCP en détectant les anticorps anti-élastine sériques chez les chevaux. Il ne s’agit toutefois pas d’un test de routine pour poser un diagnostic de LCP. [2]

Le pronostic:

Une prise en charge attentive peut améliorer la qualité de vie des chevaux atteints de LCP, bien qu’il n’existe pas de remède pour guérir la maladie.

Certains chevaux qui souffrent de cette pathologie peuvent avoir une qualité de vie raisonnable. Malheureusement, on doit souvent euthanasier les animaux gravement atteints.

Le traitement

Il n’existe actuellement aucun traitement connu qui permet de guérir le lymphœdème chronique progressif. Le traitement du LCP est axé sur des stratégies de gestion qui visent à améliorer le confort des chevaux affectés.

Le pansage:

Le rasage des fanons ou des longs poils qui garnissent les membres permet de mieux surveiller l’état de la peau afin de soigner rapidement les plaies. Le poil court facilite l’application de soins topiques à la surface de la peau. Cela évite que les fanons emprisonnement l’humidité et permet à la peau de sécher rapidement.

Le nettoyage de la peau:

Il faut laver délicatement les régions touchées avec un shampooing à base de soufre qui n’irrite pas la peau. Une fois nettoyée, on veille à assécher complètement la peau.

Les antibiotiques:

Des antibiotiques oraux ou topiques peuvent être nécessaires pour soigner les infections cutanées secondaires causées par des organismes bactériens. Pour éviter le développement de la résistance des microbes, il faut effectuer une rotation entre les différents médicaments antimicrobiens.

Les traitements antiparasitaires:

On peut employer des médicaments topiques ou oraux pour traiter les infections parasitaires causées par les chorioptes. Les traitements contre ces infestations d’acariens incluent la vaporisation topique de fipronil et l’application de polysulfure de calcium.

On prodigue habituellement des soins topiques ou systémiques avec des médicaments à base de lactones macrocycliques, notamment l’eprinomectine et l’ivermectine.

Les bandes compressives:

On applique plusieurs couches de bandes compressives spécialisées sur les membres préalablement bien rembourrés. Les bandes compressives créent un gradient de pression qui remonte le long du membre. Il faut savoir appliquer correctement ces bandes pour éviter de blesser ou d’endommager davantage les membres touchés.

La gestion du milieu de vie:

On doit héberger les chevaux atteints de LCP dans un milieu sec pour éviter de les exposer à des conditions humides et boueuses qui peuvent favoriser les infections cutanées.

L’application de pesticides dans les bâtiments peut aider à prévenir l’infestation et la réinfestation par les acariens.

L’exercice quotidien:

Les chevaux qui souffrent de LCP ont régulièrement besoin d’exercice pour améliorer la circulation et le flux de la lymphe dans leurs membres.

L’entretien des sabots:

Les soins réguliers du pareur ou du maréchal-ferrant sont essentiels pour ces chevaux, car le lymphœdème peut compromettre la qualité de leurs sabots. Le nettoyage quotidien des sabots permet de surveiller l’apparition de la pourriture de la fourchette.

Le traitement décongestif combiné (TDC):

Le traitement décongestif combiné consiste à faire un drainage lymphatique manuel et à appliquer un bandage compressif pour stimuler le système lymphatique. Ce sont généralement des professionnels qui prodiguent ce traitement. L’objectif du TDC est de déplacer la lymphe des régions dysfonctionnelles vers les régions fonctionnelles du système lymphatique et de désagréger le tissu fibreux.

La prévention

À l’heure actuelle, il n’y a aucun moyen de prévenir le LCP chez les chevaux à risque. Puisque certains animaux développent le LCP lorsqu’ils sont plus âgés, ils peuvent déjà avoir transmis une prédisposition héréditaire à la maladie s’ils ont engendré une descendance.

Les stratégies qui peuvent retarder l’apparition ou la progression du LCP incluent les suivantes : [2]

  • héberger les chevaux touchés dans un milieu propre et sec, par exemple, sur des surfaces recouvertes de tapis en caoutchouc;
  • poser des protections aux membres lors des sorties pour protéger la peau des éléments;
  • appliquer un onguent ou une crème protectrice sur la peau pour éviter les ravages causés par l’humidité;
  • soigner rapidement les infections bactériennes ou parasitaires des membres pour prévenir leur propagation;
  • procurer de l’exercice quotidiennement pour stimuler l’apport sanguin et la circulation lymphatique;
  • poser des bandes compressives pour promouvoir la circulation lymphatique;
  • prévoir l’entretien régulier des sabots par le pareur ou le maréchal-ferrant;
  • donner une alimentation équilibrée pour soutenir la santé globale du cheval et l’état de la peau;
  • procéder à des examens cliniques répétés avant la reproduction pour diminuer la propagation du LCP.

Si votre cheval souffre de LCP, nous vous invitons à consulter nos nutritionnistes pour obtenir des recommandations pour son alimentation et sa gestion. Vous pouvez nous transmettre les renseignements de votre cheval en ligne pour obtenir gratuitement une analyse.

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